jeudi 4 septembre 2008

L'Empreinte de l'Ange


Lorsque j'ai entendu parler de "l'Empreinte de l'Ange" pour la première fois, j'ai cru qu'il s'agissait de l'adaptation cinématographique du livre de Nancy Huston (l'histoire tourmentée d'une jeune allemande dans la période incertaine de l'après-guerre, ses blessures mal cicatrisées et son amour rédempteur pour un autre que son mari). En fait, pas du tout. Le livre et le film portent le même titre mais n'ont strictement rien à voir. Je trouve cela bien étonnant !


Le film raconte quelques semaines de la vie d'Elsa, une jeune femme dont on sent dès les premières images qu'elle cache sous son sourire de façade, une fêlure profonde, un chagrin dont elle ne parvient pas à guérir. Ce n'est qu'au dernier tiers du film qu'on comprend.

Sept ans auparavant, Elsa a accouché dans une clinique de la banlieue parisienne. Une adorable petite fille, son deuxième enfant. Mais très vite ce bonheur tout neuf vire au drame. Un incendie se déclare à l'étage de la maternité. Les fumées envahissent les chambres, asphyxiant certains enfants et leurs mamans. Elsa est retrouvée inanimée, l'enfant mort dans son berceau.

Depuis lors, Elsa, survivante inconsolable, vit la perte de son bébé comme une mutilation insupportable, inconcevable. Incapable de "faire son deuil", persuadée que sa fille est vivante quelque part, elle s'enferme dans un monde parallèle qui l'éloigne de sa propre vie. Son couple implose sous la force du chagrin, son fils ainé subit de plein fouet les ravages de l'obsession maternelle, ses parents sont atterrés...

C'est dans ce contexte névrotique, qu'au tout début du film la vie d'Elsa bascule un peu plus dans une folie délirante. Au hasard d'un goûter d'anniversaire, Elsa croise le regard d'une petite fille, Lola. Cette enfant, elle en est sûre, c'est sa fille. Une mécanique démente et implacable se met dès lors en place. Inexorablement. Comme un rouleau compresseur. Elsa use de tous les subterfuges pour tenter d'étayer sa certitude. Trouver des preuves, savoir la vérité, obtenir des aveux... Le spectateur tétanisé assiste pendant plus d'une heure, avec un malaise croissant, à l'acharnement malsain d'une demi-folle sur une famille sans histoire.


C'est bien joué, bien tourné, angoissant à souhait. C'est surtout très violent, très charnel... Deux femmes se font face, deux mères devrais-je plutôt écrire, tant il s'agit là d'une histoire de tripes, d'instinct, de chair, de lambeaux de corps et de cœur. Les maris, rationnels et pragmatiques n'ont qu'un rôle effacé dans le film. C'est une histoire de femmes, exclusivement. D'ailleurs les hommes qui ont vu ce film (et au tout premier chef, le mien) n'en gardent pas les mêmes images, ni les mêmes sensations que celles qui à mon tour m'obsèdent.

Si une histoire semblable m'était arrivée, aurais-je su me dresser contre l'évidence avec l'obstination d'Elsa? Aurais-je eu, comme elle, la certitude de reconnaitre mon enfant après une si longue séparation? Alors que c'était un nourrisson que j'avais tenu cinq petites journées contre moi? Je n'en suis pas sûre. Et pour la mère que je suis, cette incapacité supposée est extrêmement désagréable à imaginer. A moins, c'est en tout cas ce que je pressens, que survivre à une telle tragédie ne développe chez la femme un sixième sens aigu, une sorte de radar maternel qui demeure embryonnaire lorsque la tribu familiale n'est pas en réel danger...


Comme je ne suis pas une pro de la critique cinématographique, je ne me hasarderai pas à parler mise en scène ou prise de vue. Je me contenterai de souligner que j'ai vraiment beaucoup aimé le jeu des actrices, l'évolution inverse et symétrique de leur apparence tout au long du film, jusqu'à l'apaisement radieux du visage d'Elsa dans les scènes finales. Comme si cette femme, malgré le chagrin, retrouvait enfin son unité. Et c'est très beau.

**************************************

empreinte_ange_affichevL'Empreinte de l'Ange
un film de Safy Nebbou
avec Catherine Frot, Sandrine Bonnaire, Vladimir Yordanoff
Sortie : août 2008

Aucun commentaire: